Nan nan on a deux participations, j'ai juste pas eu le temps de les poster dimanche.
1/ L’air sent la poudre. Emilien me suit en courant, le dos courbé et le visage moite. On enjambe deux corps sans vie, deux de plus. Notre course s’accélère, on frôle les murs, arme à la main. Près de nous, l’hôtel de la place brûle et crépite. Tac Tac. Deux tirs. On l’a échappé belle. Emilien est un peu à la traîne. Je l’attend quelques instants, réfugié derrière un tas de sacs éventrés. Emilien s’est arrêté, assis par terre. Il me fait signe de ne pas l’attendre. Je pense à Jeanne qui est là bas. Tant pis ! Je reviens en arrière, Emilien c’est comme mon frère. Et puis il ne reste plus que lui. « Va t’en Louis ! Va t’en j’te dis ! » me chuchote Emilien. Non, pas question. Sa jambe saigne, mais moi j’ai toutes mes forces. Jeanne sera encore plus fière de moi. J’attrape Emilien et le traîne avec moi. Nous serons plus lents mais nous serons deux au moins. Les autres nous attendent. Les rues sont désertes et sentent encore le brûlé. L’air est chaud, août est lourd cette année.
Des voix, des cris au loin. Je sens mon cœur battre plus vite. Ça bouge au loin, et nous ne sommes pas encore arrivés. Vite.
J’entends Emilien gémir et prononcer le nom de Jeanne dans des murmures plaintifs. Qui aura sa préférence ? Le blessé ou le sauveur ? Jeanne, si belle et si joyeuse. L’image de son sourire flotte encore dans ma tête alors que les exclamations de voix se font plus fortes. Le coin de la rue est encombré et des jeunes gens lancent des objets en poussant des cris. Des pétarades de fusillade retentissent. Emilien ne réagit pas. Je le dépose contre un pan de bois, il a du perdre beaucoup de sang, ma chemise est tachée. Je lui promets de revenir vite le chercher, avec Jeanne.
Je cours à travers tous ces hommes et ces femmes, vociférants et sales. Je recharge mon arme et mitraille sans viser, le cœur battant. Le ciel sans nuage est brumeux, la fumée du combat est piquante.
L’euphorie monte en moi, mes veines palpites, je crie aussi fort que tous. Les balles sifflent. Une piqûre entre mes omoplates. La route est si proche, si proche de mon visage. Tout d’un coup j’ai envie de dormir, mais un ange se penche sur moi. On dirait Jeanne. Elle sourit et essuie mon visage. Je frôle sa joue et enroule une boucle de ses cheveux sur mon index. Comme je fais avec Jeanne. Je lui souris. « Jeanne ! Emilien est près du tas de bois ». Elle pose son index sur ma bouche et me sourit. Emilien s’asseoit près de moi et me sourit. « Prie pour nous mon ami ».
Les nuages s’assombrissent entre eux et moi. Je suis heureux et j’ai sommeil. Je ne sais plus pourquoi je suis venu ici mais j’ai bien fait. Je ne me suis jamais senti aussi bien.
Je suis mort le 25 août.
Demain Jeanne et Emilien iront acclamer le Général de Gaulle de l’Arc de Triomphe à Notre-Dame.
2/
PARIS
O toi grande dame
parle moi de tes rues !
Des poètes, des écrivains,
des vagabons qui s'y promènent.
Parle nous de ton charme,
de toutes ces années vécues,
de ceux qui, main dans la main
s'embrassent sous des chênes.
Tu les as vu s'aimer, se désaimer
se hair, se sourire puis se tuer,
quand les flammes jaillirent
sur ces corps qui expirent.
Que murmure ô ton âme
vertus et bienfaits,
qu'on banisse les larmes
et aussi le mauvais !
L'eau s'écoule toujours
comme un bruit de tambour,
et rythme la cadence
de ces anciennes danses...
qui furent d'un temps et d'aujourd'hui,
lueur qui, se soir encore luit,
entre les pavets usés
de ces années passées.
O toi, Paris, ville étincelle !
Qui demeurs à jamais éternelle !
Regarde un peu tous les visiteurs,
qui chaque année y déposent leur coeur!
Brouillard épais qui peuple ton ciel,
pourrait-il lui redonner cette couleur pastel ?
qu'au fond du gouffre on sente un peu le miel,
qui se cache souvent au fond de tes ruelles.
Se souvenir de Paris si belle,
des temps ou brille sa Tour Eiffel;
ne pas oublier cette capitale
nichée dans ces regards si pâles.
Guarder en mémoire,
ponts, avenues et boulevards,
ou viennent se fraquasser si tard
les amoureux du désespoir.
Observer sa Seine.
Oublier sa peine,
L'admirer beaucoup,
Mais l'aimer surtout.