The eraser, la gomme.
Voilà le nouvel (et premier) opus de Thom Yorke en solo, mais toujours amicalement accompagné de Godrich, le producteur de Radiohead. Oui, pour ceux qui l'ignorent, au fait : Thom Yorke est le leader de Radiohead, groupe culte s'il en est (que l'on aime ou pas), mais végétant depuis deux-trois ans maintenant. A noter, depuis la mise en pause du groupe, un très intéressant album d'Ed O'Brien, le guitariste, qui mêle accents dub au plus échevelé free-jazz ; mais ceci est une autre histoire.
Il en sont qui prétextent des premiers mots de l'album pour le descendre en flèche : dès le titre éponyme, Yorke égrène un "
please excuse me" que d'aucuns interprètent comme un aveu. Vraiment ? Le chanteur à la voix à la fois aérienne et cassée serait-il capable de médiocrité ? et ne s’en rendrait-il pas même compte ? Voilà qui serait étrange…
Ce que l’on reproche souvent à cette gomme, c’est d’être artificielle et surtout inaccessible. La belle affaire ! C’est reconnaître le talent (si ce n’est le génie) du poète de Cambridge que de reconnaître sa propre incapacité d’auditeur à accéder à ces mélodies torturées et saturées, à ces boîtes-à-rythmes qui n’en finissent plus de n’en plus finir.
Mais tout ceci, et Yorke ne s’en cache pas, tout ceci est bel et bien dans la lignée des derniers albums de Radiohead,
Amnesiac et
Kid-A, tout deux clairement tournés vers l’électro. Mais ce que Yorke (et les autres) confesse, c’est qu’en l’état le groupe n’apportait plus grand’chose et tournait en rond. Son leader a donc tenté l’aventure seul, mais sur le même chemin : il est simplement allé plus loin, pour continuer la métaphore. Et a réussi à mêler ce qu’on attend d’un disque de Radiohead, tout en étant radicalement différent, même des derniers, et surtout encore plus personnel.
Ce que Yorke a réalisé en tripatouillant son ordinateur, c’est une œuvre personnelle bien qu’inorganique, emplie de sensualité bien que mécanique, il n’est que d’écouter
And it rained all night pour se convaincre d’une certaine perfection. L’Anglais a trouvé une fois de plus les échos qui collent le mieux à ses textes toujours tranchants et tranchés (
Harrowdown Hill ou Black Swan) et à sa voix si juste et si proche de la rupture à chaque note (
Cymbal rush, par exemple). Et lorsque s’insèrent piano (penser à
Like spinning plates, en concert) et guitare, et que les envolées évoquent le meilleur d’
Idioteque, c’est un ravissement de ténèbres. Car c’est album est sombre, autrement plus que ne l’était le fade
Kid-A, par exemple. Thom Yorke a porté et assumé seul ses paranoïas, ses incertitudes et ses délires, que ce soit dans
Atoms for peace ou
The clock, morceau halluciné de noirceur. Le tout semble tellement froid et distant qu’à la première écoute, on a bien envie de renoncer ; seuls les amateurs, non pas de musique minimaliste, mais de cette voix et de cette plume, se trouvent comblés lorsqu’ils s’acharnent à écouter et ré-écouter cette pièce étrange.
Bref un disque incontournable pour les adeptes. Pour les autres, commencez par
OK Computer et
Hail to the thief et revenez-y.
http://www.nepasavaler.net/
http://www.radiohead.com
The eraser
XL Recordings